Après Muksin, bon film malaisien, voici John John, un film des Philippines. Pendant vingt ans, il n’était pas sorti de films philippins en France, depuis l’époque de Lino Brocka ou de Mike de Leon. Il y a un an L’Eveil de Maximo Oliveiros était modestement distribué en salles. John John est aussi un film autour de l’enfance.
John John est un gamin qui vit dans une famille d’accueil dans un quartier pauvre de Manille. Sa mère Thelma a deux autres garçons plus âgés. Le matin, elle reçoit la visite de Mlle Bianca, qui travaille pour le centre d’adoption. Le soir, John John sera adopté par un couple d’Américains. On va suivre le parcours de Thelma et John John, de leur misérable maison à l’hôtel de luxe.
Ce qui est formidable dans le film de Brillante Mendoza, c’est qu’il n’accuse personne, ni les institutions qui laissent partir les enfants à l’étranger, ni ceux qui abandonnent les bébés, ni les Américains qui pensent faire le bien des adoptés. C’est formidable parce que le réalisateur laisse à chacun se faire son opinion, et c’est très rare.
Mendoza suit ses personnages, sans jamais les quitter, du matin au soir. La caméra, quasi- documentaire, est toujours là, dans les dédales du quartier de la famille de Thelma. Ça grouille de monde et tous se connaissent. Et Mlle Bianca, quand elle vient rencontrer Thelma, connaît tout le monde aussi. La seule chose qui la différencie des pauvres, ce sont ses vêtements plutôt chics et qui vont bientôt être tachés par la boue. Le long parcours de la rue à la maison de Thelma est sinueux et long. A la fin du film, dans l’hôtel de luxe, Thelma se perdra dans la suite des Américains, et le chemin du quartier pauvre au riche est lui-même ardu.
On verra ainsi le petit déjeuner, le départ du mari au travail, une visite à l’école, une douche, un rendez-vous à l’orphelinat, des repas et finalement la visite au palace. Tout est fait sans sentimentalisme, même si Thelma aimerait bien garder John John, qui a sans doute été abandonné par ce qu’il est métis. La mère est philippine et le père serait libanais. On sait qu’aujourd’hui de nombreux riches du Moyen Orient emploient des bonnes des Philippines.
Etonnement, John John n’est pas dans l’émotion pure, au contraire, le film est dans le constat mais reste modeste dans sa portée sociale et politique, sans jamais tomber dans la caricature. Le film parvient parfois à faire rire : le gamin n’arrête pas de pisser sur tout le monde. De toute façon, personne ne lui demande son avis, personne ne lui explique ce qui va lui arriver. C’est sans doute là qu’est la clef du film.
John John (Foster child, Philippines, 2007) Un film de Brillante Mendoza avec Cherry Pie Picache, Eugene Domingo, Jiro Manio, Kier Segundo.