Apichatpong Weerasethakul a reçu à Cannes une Palme d’or. Méritée ou pas, le cinéma thaïlandais a été récompensé pour la première fois dans un grand festival international, quand bien même Oncle Boonmee était une coproduction internationale (et à majorité européenne). Le film de Api n’a pas attiré grand monde (environ 90 spectateurs), mais le reste du cinéma asiatique n’a pas non plus eu les faveurs du public. A peine 25 films asiatiques sont sortis cette année en salles en France, ce qui représente une minuscule portion. En dix ans, le nombre de films asiatiques sortis en France a presque baissé de moitié. En termes d’entrées, c’est catastrophique. Plus étonnant encore, contrairement aux années précédentes, aucun ancien film n’a été repris, aucun inédit d’un grand cinéaste n’est sorti en salles. Il faut se réjouir des sorties DVD chez HK Vidéo des inédits de John Woo et chez Wild Side d’une large livraison de romans porno.
Love in a puff
On a retrouvé Takeshi Kitano. Deux de ses films sont sortis cette année en salles. Outrage a été descendu par la critique et les films n’ont pas eu beaucoup de succès public. Le purgatoire de Kitano continue. Le cinéma japonais existe encore au Japon mais en France, il ne faut plus chercher à découvrir quoi que ce soit. Même le cinéma d’animation ne fait plus recette. Et cela vaut aussi pour le cinéma coréen, en encore plus caricaturale. Hormis Breathless, première réalisation de l’acteur Yang Ik-joon, seul film coréen qui vaille le coup d’œil cette année, on a eu droit aux éternels Kim Ki-duk et Sang-soo (il suffit de changer le nom de famille). Plus personne n’ose sortir autre chose que les films passés dans notre beau Festival de Cannes (l’atroce Poetry), ce qui permet de rappeler que le cinéma de Corée est en panne totale d’inspiration. Le cinéma chinois s’est plutôt bien défendu avec City of life and death crépusculaire, La Tisseuse de bonne facture et le mélancolique Nuits d’ivresse printanière.
Legend of the fist
Du côté de Taiwan : un seul film, le beau Je ne peux pas vivre sans toi. Et du côté de Hong Kong, c’est bien simple, aucun film n’est sorti en salles. Tout arrive directement en DVD. Enfin, tout, c’est un grand mot. Ce qui sort encore en DVD en France, c’est les films de kung-fu à tendance histoire. En un titre, Ip Man. Il faut dire que Donnie Yen domine actuellement le box office hongkongais (14 blades, Ip Man 2 et Legend of the fist) et est en train de devenir la star numéro un éclipsant tous les autres acteurs et notamment Andy Lau qui s’est fourvoyé chez Wong Jing (Future X Cops) alors qu’il a tourné dans un bon Tsui Hark (Detective Dee). Le succès de Donnie Yen confirme aussi une tendance de films en costumes sur des gloires fondatrices de la Chine actuelle : Ip Man, Sun Yat-sen et même Bruce Lee, tous sont convoqués pour invoquer une culture commune. Dans certains films, cela se confond avec un nationalisme des plus primaires.
Detective Dee
Pas de révélation cette année, mais une confirmation. Celle que Pang Ho-cheung est en passe de devenir le meilleur cinéaste de Hong Kong. Deux films cette année : Love in a puff et Dream home, sur des genres différents, une comédie romantique et un slasher, mais avec un point commun. Pang Ho-cheung prend le pouls de sa ville. Les deux films prennent la base de leur fiction dans l’actualité la plus triviale et propre à Hong Kong. Ses films ne peuvent se passer que là-bas mais il parvient avec son grand talent à ce que ses films soient universels et puissants. C’est cela la force de la mise en scène. L’autre cinéaste majeur actuel est Dante Lam. Fire of conscience était inférieur à The Stool pigeon mais le réalisateur confirme qu’il est l’un des meilleurs directeurs d’acteurs d’aujourd’hui. Peut-être Dante Lam palie-t-il l’absence depuis deux ans de Johnnie To. Il faut remarquer que son style est tout à fait opposé à celui du réalisateur d’Exilé, son dernier bon film.
La Comédie humaine
Quoi de neuf du côté de la comédie ? Je signalerais l’apparition d’un acteur : Wong Cho-lam. Je l’avais remarqué dans Short of love où il était insupportable. Cette année, il joue dans trois films : 72 tenants of prosperity, Just another Pandora’s box mais surtout dans La Comédie humaine, où son duo avec Chapman To dans un pastiche de film de gangsters fait merveille. Si Wong Cho-lam est bien dirigé, s’il ne se fourvoie pas dans des mauvais Wong Jing, il peut devenir très grand et très drôle. Dans l’idée parodie pastiche, Once a gangster de Felix Chong (scénariste des Infernal affairs) et produit par Chapman To (qui marque son grand retour) est l’un des films les plus finement drôles vus cette année. En revanche, Flirting scholar 2 de Lee Lik-chi (suite insipide sans Stephen Chow), Just another Pandora’s box de Jeff Lau (une énième variation sur le Roi Singe) et All’s well end’s well 2010 de Raymond Wong Bak-ming et Herman Yau (en costumes traditionnels cette fois) ne semblent fonctionner que sur des recettes éculées.
Crossing Hennessy
Jackie Chan, Sammo Hung, Yuen Biao, Danny Lee et Teddy Robin. Les vieux de la vieille sont encore là ou sont de retour. Sammo Hung se contente désormais de jouer les vieux sages (14 blades, Ip Man 2, The Legend is born) dans des films d’arts martiaux. Dans ce dernier film, il est accompagné de Yuen Biao dans un beau second rôle. Danny Lee abandonne son flingue pour un roquet dans un rôle émouvant dans le beau Crossing Hennessy de Ivy Ho. Teddy Robin, star de la Cinema City revient dans Gallants, pastiche déjanté de wu xia pian. Et Jackie Chan est fidèle à lui-même : un film américain (Kung-fu nanny, son pire navet) et un film chinois (Little big soldier, sa meilleure comédie depuis Drunken master II en 1994). L’espoir que Jackie Chan recommence à mieux lire ses scénarios et à ne pas prendre que ce qui pourra lui ramener le plus d’argent renait. Donc, le cinéma de Hong Kong continue d’exister, mais si peu de gens le voient et le montrent en France. Il sort toujours une cinquantaine de films par an et je pense continuer à en voir le plus grand nombre. Bonne année 2011 !