Bienheureux celui qui saura résumer Le Roi Singe. Le film de Jeff Lau et Stephen Chow part tellement dans tous les sens que la difficulté s’accroît au fur et à mesure que se déroule le récit. J’imagine que ceux qui ont lu le récit dont est tiré Le Roi Singe, La Pérégrination vers l’Ouest, comprendront mieux tous les tenants et aboutissants d’un scénario plein de coups de théâtre, de personnages, de batailles.
Stephen Chow est bien entendu la star de son film. Il y est ce roi singe arrogant qui défie une déesse. Au lieu d’aller chercher les racines du bouddhisme, c'est-à-dire en Inde, il s’est amusé à faire de nombreuses facéties. La déesse décide de lui retirer son statut de dieu et devra errer cinq cents ans sans mémoire.
Devenu humain, le roi singe est un mortel, chef d’une bande de brigands minables. Stephen Chow est montré comme un homme très velu et qui louche. Ses sourcils se rejoignent, il a des poils partout, y compris sous les pieds, portant ainsi les stigmates de son ancienne vie. Stephen ignore qu’il fut un dieu. Il ne sait pas non plus que la malédiction va bientôt s’achever.
Ainsi quand il rencontre deux jeunes et jolies femmes (Karen Mok et Nam Kit-ying), il ne se rend pas compte que ce sont deux démones, Karen se transforme en zombie et Nam en araignée. Les démones le recherchent. Comme le roi taureau (Lu Xu-ming), son beau frère qui veut se venger d’une infidélité. Arrive aussi Fruit du Savoir (Jeff Lau), venu pour aider Stephen.
Le début du Roi Singe pourrait faire croire à un wu xia pian classique avec des divinités, des moines, des combats (bien réglés par Ching Siu-tung qui imprime fortement de sa marque la mise en scène). Mais très vite on arrive dans le mo tei lo, comme le dit dans un dialogue Karen Mok. Soit le grand n’importe quoi.
Pour faire rire avec ses gros gags, Stephen Chow est accompagné par son fidèle Ng Man-tat qui sera l’homme cochon de la légende initiale. Il a aussi oublié son passé, mais un miroir magique révèle la personnalité première de nos héros.
L’humour dans Le Roi Singe tient de différents niveaux. Bien sûr Stephen et Ng en font des tonnes, comme dans la scène où ils apparaissent à moitié à poil, persuadés que les démones ne peuvent les voir. L’humour vient aussi des dialogues d’une belle et saine vulgarité : Stephen ose tout. Question dialogues drôles, Law Kar-ying, qui interprète le moine gardien de Stephen, est pas mal. Il est montré comme un homme soûlant, qui ne cesse jamais de parler. L’humour vient évidemment aussi des situations incongrues, des costumes de certains personnages comme celui du Roi Taureau. Il vent aussi des mimiques de tous les acteurs. Faut quand même aimer ça.
Et puis derrière, se trouve aussi des histoires d’amour contrariées et foisonnantes comme on trouverait dans les séries américaines. A vrai dire, on ne sait plus au bout de deux heures de film qui aime qui. A combien de femmes, Stephen Chow a-t-il promis de se marier, est la seules question valable de la deuxième partie.
Si l’on ajoute à cela que Stephen Chow revient dans le passé à la fin de la première partie, il est facile d’imaginer la confusion qui règne dans Le Roi Singe. Grâce à une boîte de lune, il remonte dans le temps, d’abord pour sauver Karen Mok d’une mort certaine, ensuite pour résoudre les problèmes qu’il a engendrés. Du coup, Jeff Lau est obligé de faire deux grands flash-backs dans la deuxième partie, pour rappeler quelques nœuds du récit.
On s’amuse comme des fous à regarder Le Roi Singe. Tout va si vite qu’on peut apprécier chaque morceau du film comme un moment d’anthologie. Un des meilleurs films de Stephen Chow.
Le Roi Singe est sorti à deux semaines de distance au moment du Nouvel An Lunaire 1995. Le succès a été modéré par rapport aux films précédents avec Stephen Chow. Jeff Lau a tourné une nouvelle version du récit en 2002 avec Tony Leung Chiu-wai. Il en avait écrit le scénario avec Wong Kar-wai (sous pseudonyme).
Le Roi Singe (A Chinese Odyssey, Hong Kong, 1995) Partie 1 : la boîte de Pandore (西遊記第壹佰零壹回之月光寶盒), Partie 2 : Cendrillon (西遊記大結局之仙履奇緣). Un film de Jeff Lau avec Stephen Chow, Ng Man-tat, Law Kar-ying, Karen Mok, Nam Kit-ying, Jeff Lau, Athena Chu, Ada Choi, Lu Xu-ming.
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